Romans à l'enseigne du réalisme féerique et du merveilleux intimiste,
nouvelles à laisser fondre sous la langue, chroniques à croquer sur
place : l'arbre vialattien croule sous les saveurs et les richesses.
Mais tant d'années de cueillette ne l'ont-elles pas dûment épuisé ? Y
a-t-il encore à grappiller dans l'oeuvre de l'Auvergnat considérable ?
Que oui et le Dilettante le prouve en libérant, grâce à Pierre Vialatte,
ce Cri du canard bleu préfacé par François Feer (chargé au Dilettante
du département des espèces menaçantes et menacées : Bestiaire amazonien
et Les poissons sont indomptables) qui témoigne là de son amour pour
Alexandre le grand et son «chosier» délectable. Mais quid du «canard» ?
Voilà. Ce Cri du canard bleu, prose de 1933, est une envie romanesque
laissée à l'état d'esquisse. On y trouve Etienne, qui s'ouvre à la
beauté par la voie d'affriolantes affiches où scintille «Estelle», star
des «Ballets Féeriques». Beauté que partagent également, sur un plan
modeste, Amélie «la vestale des humbles marmites» et l'institutrice,
Mlle Lantelme, qui lui sera ravie par la plus ravissante des folies, lui
transmettant néanmoins, ultime présent, un canard bleu de Colombie,
reliquat mythique de sa présence étoilante. On trouvera également, au
fil du récit, ces ingrédients essentiels au merveilleux vialattien : un
missionnaire gothique, un oncle à moustache, un magasin général, caverne
d'Ali Baba du surnaturel quotidien, des coffrets à goûter, «une auberge
de complainte et de grand vent». Une fois de plus, à grand renfort
d'étoiles saupoudrées, de plantes charmantes et d'une prose où chaque
phrase semble jaillir d'un chapeau claque, Vialatte transforme, à vue,
pour nous, l'Auvergne en terre de féerie. Vialatte, seigneur des
anneaux... chinois, dont acte.
Description: