Si Andreïev poursuit dans ce recueil sa quête de l’humain et de ce qui fait son essence, son œuvre est aussi celle d’une époque. Ecrites entre avril 1902 et octobre 1905, les nouvelles de ce volume reflètent les troubles qui traversent la Russie durant cette période. Dans Le rire rouge, un texte glaçant et étonnamment moderne (on pense à Volodine), ce sont les échos de la guerre russo-japonaise qui nous parviennent dans toute leur horreur et leur folie.«C’est le rire rouge. Quand la terre devient folle, elle se met à rire de cette façon. Tu le sais bien, que la terre est devenue folle. Elle n’a plus de fleurs ni de chansons, elle est devenue ronde, lisse et rouge, comme une tête que l’on a dépecée. »Dans une atmosphère extraordinaire, aux confins du surréalisme, Andreïev nous plonge au cœur d’une époque qui elle-même est devenue folle. L’incompréhension face à l’horreur de la guerre remet toutes les données à plat, il n’y a plus de morale, plus de règle, quand la société dicte à un homme d’en tuer un autre. On plonge dans le plus profond nihilisme et encore une fois, tout devient permis. (« C’est affreux ! Je ne comprends plus ce qui est permis et ce qui est interdit, ce qui est raisonnable et ce qui est fou. Si maintenant, je te prenais la gorge, d’abord doucement, comme si je te caressais, et puis plus fort, et que je t’étranglais, ce serait quoi ? »)Et puis, enfin, autre signe d’une époque, c’est la révolution de 1905 qui est évoquée dans Le gouverneur et Ce qui fut – sera. Deux nouvelles assez pessimistes, non pas parce qu’Andreïev apparaitrait comme un fervent tsariste, mais plutôt parce qu’il ne croit pas au changement. Parce que changer un homme ou un régime ne suffira jamais à changer la condition humaine. A travers l’évocation d’un gouverneur mis à mort pour avoir fait feu sur une foule hostile dans un moment de désemparement et de frayeur – action qu’Andreïev ne justifie jamais, mais que l’homme ne cesse de regretter par la suite en dévoilant une pensée humaniste aux antipodes de l’acte pour lequel il est jugé – ou celle de la révolution française, Andreïev affirme que changer les hommes ne changera rien, que l’homme ne cessera pas d’être un esclave en remplaçant un tyran par un autre, et semble pressentir le communisme et ses dérives dans ce tsarisme déclinant (« - Mais ils aiment la liberté ! - Non, ils ont seulement peur du fouet. Quand ils aimeront vraiment la liberté, alors, ils seront libres. »).
Description:
Si Andreïev poursuit dans ce recueil sa quête de l’humain et de ce qui fait son essence, son œuvre est aussi celle d’une époque. Ecrites entre avril 1902 et octobre 1905, les nouvelles de ce volume reflètent les troubles qui traversent la Russie durant cette période. Dans Le rire rouge, un texte glaçant et étonnamment moderne (on pense à Volodine), ce sont les échos de la guerre russo-japonaise qui nous parviennent dans toute leur horreur et leur folie.«C’est le rire rouge. Quand la terre devient folle, elle se met à rire de cette façon. Tu le sais bien, que la terre est devenue folle. Elle n’a plus de fleurs ni de chansons, elle est devenue ronde, lisse et rouge, comme une tête que l’on a dépecée. »Dans une atmosphère extraordinaire, aux confins du surréalisme, Andreïev nous plonge au cœur d’une époque qui elle-même est devenue folle. L’incompréhension face à l’horreur de la guerre remet toutes les données à plat, il n’y a plus de morale, plus de règle, quand la société dicte à un homme d’en tuer un autre. On plonge dans le plus profond nihilisme et encore une fois, tout devient permis. (« C’est affreux ! Je ne comprends plus ce qui est permis et ce qui est interdit, ce qui est raisonnable et ce qui est fou. Si maintenant, je te prenais la gorge, d’abord doucement, comme si je te caressais, et puis plus fort, et que je t’étranglais, ce serait quoi ? »)Et puis, enfin, autre signe d’une époque, c’est la révolution de 1905 qui est évoquée dans Le gouverneur et Ce qui fut – sera. Deux nouvelles assez pessimistes, non pas parce qu’Andreïev apparaitrait comme un fervent tsariste, mais plutôt parce qu’il ne croit pas au changement. Parce que changer un homme ou un régime ne suffira jamais à changer la condition humaine. A travers l’évocation d’un gouverneur mis à mort pour avoir fait feu sur une foule hostile dans un moment de désemparement et de frayeur – action qu’Andreïev ne justifie jamais, mais que l’homme ne cesse de regretter par la suite en dévoilant une pensée humaniste aux antipodes de l’acte pour lequel il est jugé – ou celle de la révolution française, Andreïev affirme que changer les hommes ne changera rien, que l’homme ne cessera pas d’être un esclave en remplaçant un tyran par un autre, et semble pressentir le communisme et ses dérives dans ce tsarisme déclinant (« - Mais ils aiment la liberté ! - Non, ils ont seulement peur du fouet. Quand ils aimeront vraiment la liberté, alors, ils seront libres. »).