Cette « folle équipée » de deux semaines autour de l’île sera pour lui et pour nous une merveilleuse aventure. Ce voyage, Durrell l’entreprend en juillet 1976 sur les instances d’un éditeur new-yorkais en quête d’articles sur la Sicile, et pour tenir une promesse faite à Martine, une amie aujourd’hui disparue. Il a d’ailleurs emporté avec lui ses « longues lettres amusantes et tendres » qu’il relit aux villes-étapes et qui remuent en lui des souvenirs nostalgiques de leur passé à Chypre, de leurs longues discussions à l’ombre de l’abbaye de Bellapaix. Ces villes-étapes sont Syracuse, Ségeste, Agrigente… noms qui chantent sur les guides touristiques, dont Durrell nous donne une vision toute personnelle. Les monuments antiques et les églises baroques éveillent chez lui une conscience aiguë de l’Histoire. Il s’interroge et médite sur le caractère hellénique de la Sicile. Quelle était la véritable fonction des monuments anciens ? Le temple de l’Antiquité n’était-il pas, en même temps qu’un lieu de prière, une sorte de coffre-fort où la cité venait mettre à l’abri ses trésors ? Les sites s’échelonnent le long de paysages admirablement peints : le piton d’Erice, Taormina et son théâtre, Agrigente et sa Vallée des Temples. Durrell, tel un chien à l’affût, flaire, hume, tend l’oreille pour mieux appréhender la réalité profonde de ce pays dont les bruits, les parfums et les formes réveillent, à chaque pas, les échos nostalgiques de la Grèce. Parmi ces monuments et ces paysages, la troupe du Carrousel déambule, bruyante et bigarrée. Durrell en tire une véritable galerie de portraits : l’évêque anglican assailli par le doute, le maître d’école en cavale, les petites Françaises élégantes et écervelées, la serveuse de bar sentimentale qui, dans sa robe d’été en tissu Liberty, « ressemble à un sofa recouvert de cretonne ». Il y a aussi un ancien officier de l’armée des Indes, un couple de « diplomates » discrets, et la blonde beauté germanique qui offre ses charmes à tout le monde. 

Le Carrousel sicilien est à la fois un livre divertissant et profond qui enchantera ceux qui connaissent déjà la Sicile. Aux autres, il donnera envie de faire leurs bagages pour aller voir l’aube se lever sur « le plus beau théâtre du monde » : l’Etna. 

Issu d’une famille anglo-irlandaise, Lawrence Durrel est né en Inde en 1912. C’est à l’âge de douze ans qu’il découvre l’Angleterre où, après des études médiocres, il gagne sa vie comme pianiste de jazz. À partir de 1935, il s’installe à Corfou et depuis lors il vit presque exclusivement à l’étranger, remplissant des fonctions diplomatiques dans de nombreuses villes méditerranéennes. Il réside à présent en France, dans le Gard.